
Qu’est-ce qui vous enthousiasme actuellement ?
Les mouvements sociétaux qui se développent un peu partout autour de nous surtout dans les milieux plus jeunes mixtes ; ainsi que les nombreux mouvements menés par des femmes “en lutte” pour un monde meilleur et plus équitable. Le Covid nous rappelle comme la terre crie, et on voit se développer pas mal de groupements, d’assos qui se bougent pour un monde à visage plus humain, que ce soit dans des projets qui remettent la personne au centre (assos de quartier par exemple, entraides entre citoyens, etc.), des assos qui veulent renouer avec la terre (potagers partagés), des assos qui veulent réfléchir à une société low consommation, à une société plus démocratique (café philo, etc.). Je vois aussi beaucoup de jeunes femmes qui se mobilisent et montent au front pour une société plus paritaire et plus inclusive à divers endroits de pouvoir (il y a par exemple en ce moment beaucoup de mouvements étudiants qui exigent de nouvelles chartes d’enseignement, de conduite du corps enseignant, de nouvelles façons d’enseigner plus horizontales). Cela m’épate et me met moi aussi en mouvement !

Quelque chose à pointer du doigt dans votre métier ?
La lenteur à lâcher les vieux socles rassurants… Faire du théâtre entre soi… Bien des sociétés se sont vu imposer des “quotas” afin de les encourager à être paritaires, attentives à la diversité culturelle, etc., et dans nos milieux, ça rechigne… “Où sera ma liberté d’auteur·e/de metteur·e en scène/d’artiste si on m’impose (par exemple) un nombre égal de femmes et d’hommes dans la distribution d’un spectacle ?”, pensent encore certains… Si nous ne passons pas par des quotas, qui bougera ? Le théâtre se doit d’être le reflet de notre monde… Où sont les noir·es, les gros·ses, les gens porteurs de handicaps, etc., sur nos scènes ? Et lorsqu’ils y sont, ils y sont pour ces caractéristiques justement, et pas juste parce qu’ils sont quelqu’un·e à la fois unique et semblable à tous·tes. Si nous voulons un monde différent, nous devons aussi écrire différemment…

Un moment d’indignation : envers qui, envers quoi ?
Les communications gouvernementales pendant la crise… Oui, certes, c’était difficile… mais j’ai tellement le sentiment que le Covid ne fut/n’est que le sommet d’un iceberg bien plus profond. Oui, il faut tenter de juguler la contamination, oui, il faut être civil·e, penser aux autres… Mais il est inadmissible de reporter (comme les communications le laissent à penser) toute la responsabilité sur la/le citoyen·ne… Les hôpitaux n’étaient-ils pas déjà en sur-stress avant la pandémie ? Avons-nous oublié quelles politiques libérales les avaient déjà étranglés à coup de rentabilité nécessaire (avec un personnel sans cesse mis sous pression, etc.) ? La/le citoyen·ne ne peut endosser seul·e les responsabilités puis les actes à mettre en place pour un monde viable… Nous avons tant entendu “revenir à la normale” : pour moi, c’est une erreur majeure, un manque de sens, de réflexion, d’engagement et de responsabilité gouvernementale. Il n’est plus/pas question de “revenir” à une normale, il est urgemment question de changer de paradigme ensemble pour ne pas “revenir” à avant… Si l’on veut être encore vivant dans les années à venir. Et ça, la/le citoyen·ne seul·e ne pourra le faire… Quand les gouvernements auront-ils le courage de regarder plus loin que leurs mandats politiques pour légiférer vers les grandes entreprises, les trusts qui polluent et abîment la terre autrement que les citoyen·nes ? Quand sortirons-nous de la logique étroite de la consommation, de l’économie marchande ? Quand leur rendrons-nous leur juste place ? Et là, le citoyen a besoin des gouvernements…

Avec qui, avec quoi vous sentez-vous en lien ?
De plus en plus avec la terre ces derniers deux ans… La redécouvrir, la regarder différemment… On nous a tellement appris que nous sommes supérieur·es (et de loin) à toutes les autres espèces vivantes, soi-disant parce que nous avons la conscience ? Et le langage ? Des chercheur·es mettent au jour en ce moment des tas de découvertes qui nous permettent de nous replacer bien plus humblement au cœur du vivant… Les arbres communiquent, les espèces animales sont solidaires, les champignons sont indispensables… Je me sens aujourd’hui humblement vivante parmi les vivants, quelle leçon… Quel bonheur…

Qu’est-ce qui titille votre curiosité ?
Demain… Allons-nous advenir à une société qui ne serait plus binaire ni patriarcale ? Allons-nous parvenir à nous désordonner dans la joie ? À nous regarder chacun·e dans notre unicité lumineuse, sans jugement ni désir de prise de pouvoir ?
* Allusion à Larguez les amarres, titre du dernier spectacle de l’artiste qui se joue jusqu’au 3/10 au Théâtre Royal des Galeries.
Enfant, Marie-Paule Kumps écrit des histoires et aime faire rire ses camarades de classe. Le monde du théâtre l’attire déjà. À l’adolescence, elle assiste à de nombreux concerts et spectacles qui se donnent non loin de chez elle, à Charleroi. Elle commence des études en sociologie à l’ULB mais, à 19 ans, change d’orientation. Elle fera l’IAD, section théâtre. “Depuis, précise son site, elle joue un peu partout en Belgique francophone, dans des théâtres institutionnalisés mais aussi avec des jeunes compagnies. Elle écrit, met en scène et enseigne ou anime des ateliers divers.” Impossible de citer les pièces qu’elle a interprétées, écrites ou mises en scène. Il y en a tant. Mentionnons peut-être que, de 2005 à 2009, elle a joué dans les Monologues du Vagin, aux côtés de Virginie Hocq et Laurence Bibot entre autres, et qu’elle était en 2019 à l’affiche du spectacle Ménopausées, basé sur une cinquantaine de témoignages de femmes, d’ici et d’ailleurs.
Si Marie-Paule Kumps foule les planches avec passion, elle joue aussi pour le grand écran… et le petit. À partir de 1995, elle interprète le rôle de Mamie Nelly dans l’émission pour enfants de la RTBF Ici Bla-Bla. Elle a déjà reçu plusieurs prix pour ses textes et ses interprétations, notamment au sein de la Ligue d’Impro. Son dernier spectacle Larguez les amarres se joue jusqu’au 3/10/21 au Théâtre royal des Galeries. Vite, plus que quelques jours !
Son site : www.mariepaulekumps.be
Petit plus : interview réalisée par Alice Piemme pour les Archives et Musée de la Littérature