
Qu’est-ce qui vous enthousiasme actuellement ?
Les actes de résistance : les ados qui défilent dans les rues pour le climat, les chaînes humaines, celles et ceux qui empêchent une expulsion forcée en refusant de s’asseoir dans l’avion au moment du décollage, les femmes qui ont décidé de ne plus se taire (#MeToo, F(s)…), Carola Rackete qui accoste le Sea Watch malgré les menaces de Salvini, celles et ceux qui se ligotent aux arbres pour en empêcher l’abattage, même un bête graffiti “Francken Buiten” peut me donner le sourire…
On est en état de crise mais la montée de l’extrême droite, les chiffres, l’appauvrissement du langage, la surveillance, les multinationales… n’ont pas encore tout tué.

Quelque chose à pointer du doigt dans votre métier ?
Il y a mille choses que je voudrais pointer du doigt dans ce métier mais, à y réfléchir, toutes sont issues des mêmes règles commerciales d’aujourd’hui. Le secteur théâtral est complètement assujetti aux lois capitalistes et néolibérales. On monte des productions et on fabrique des produits. On nous demande de faire du chiffre (nombre de spectateurs, nombre de représentations…) et de la nouveauté.
C’est la course à l’inédit… On est dans une période très créative au niveau de la forme. Les nouvelles technologies offrent de plus en plus de possibilités et c’est sans doute une bonne chose. Mais j’espère qu’on ne finira pas par délaisser complètement le texte de théâtre. Ce serait terrible d’avoir à constater un jour qu’on a fabriqué un théâtre qui ne pense plus.
Autre conséquence effrayante : le jeunisme. Personne ne dit rien sur la disparition des metteurs/euses en scène de plus de 50 ans, sur leur absence dans de nombreuses programmations et le déconventionnement de leur compagnie, pourquoi ? À croire que la carrière de quelqu’un, son histoire, les années qu’il ou elle a passées à regarder quelque chose n’ont aucune valeur.

Un moment d’indignation : envers qui, envers quoi ?
Envers le temps compressé. Il faut aller vite, être efficace et rentable – et ça vaut pour tous les métiers. C’est encore une fois le sujet humain qu’on anéantit dans cette compression du temps. Ça “burn out” à tous les coins de rue… et l’industrie du bien-être s’en pourlèche les babines.

Avec qui, avec quoi vous sentez-vous en lien ?
Avec à peu près tout et tout le monde. Tant que je suis au calme dans ma tête, que j’ai eu ma matinée pour écrire…

Qu’est-ce qui titille votre curiosité ?
L’autre. Sa vie, son histoire…
Les livres, les bibliothèques. Publiques ou privées d’ailleurs, celles des gens chez qui je suis de passage (Qu’est-ce que tu lis ? Pourquoi ?)
Les auteurs et les autrices. Les lire mais aussi les entendre, écouter leurs interviews, lire leur journal, les rencontrer quand c’est possible.
Le théâtre, bien sûr. Si je pouvais, je me transformerais en petite souris et j’irais assister aux répétitions de beaucoup de metteurs/euses en scène différent·es.
Des petites choses aussi : une conversation à la table voisine, l’intérieur des maisons quand je me promène la nuit, les courses des inconnu·es qui défilent sur le tapis de la caisse au supermarché… Et chaque fois, inventer une histoire…
Dès l’âge de 7 ans, Céline Delbecq commence des cours de théâtre. Onze années plus tard, elle entre au Conservatoire Royal de Mons pour devenir comédienne. Mais c’est plutôt l’écriture et la mise en scène qui l’attirent. La pièce Le Hibou, écrite dans le cadre de ses études, aborde la problématique de l’inceste. Elle est présentée aux Rencontres de Théâtre Jeune Public de Huy et est publiée par les éditions Lansman. En 2009, avec la comédienne Charlotte Villalonga, elle fonde la Compagnie de la Bête noire pour “questionner la société à travers une recherche artistique qui s’attache à mettre en scène les tabous et discordes de notre société d’aujourd’hui, notamment en donnant la parole aux minorités.” Tous ses textes s’imprègnent de cette volonté d’interroger les non-dits. Autour de l’accompagnement en fin de vie (Abîme, 2012), du suicide (Éclipse totale, 2014), du manque de famille d’accueil pour les enfants placé·es par la/le juge (L’enfant sauvage, 2016). Ce projet artistique, comme les précédents, est aussi l’occasion pour la compagnie de tisser des liens avec des associations de terrain qui sont souvent présentes lors des débats en marge des représentations. En 2017, Céline Delbecq s’intéresse aux troubles psychiques avec Le vent souffle sur Erzebeth. De folie, il en sera également question dans son dernier spectacle, Cinglée, où l’auteure s’empare de la problématique des féminicides.
En plus de tout cela, Céline Delbecq initie avec d’autres compagnies le Cocq’Arts Festival (2012) et impulse le Marathon des autrices en Belgique (2013). Des bourses d’écriture et de nombreux projets l’amènent à voyager un peu partout dans le monde (France, Canada, Tunisie, Mexique, Iran…). Enfin, son travail a été récompensé plusieurs fois. En 2016, elle a reçu le Prix des arts de la scène pour l’ensemble de son œuvre. Rien de moins.
À vos agendas !
Une quarantaine de dates sont déjà programmées pour le spectacle Cinglée :
•Du 10 au 26/10/19, Rideau de Bruxelles
•Du 5 au 6/11/19, Maison de la culture de Tournai
•Du 7 au 20/11/19, Théâtre Jean Vilar (Louvain-la-Neuve)
•Le 21/11/19, Centre culturel Marius Staquet (Mouscron)
•Le 22/11/19, Foyer culturel de Peruwelz
•Le 23/11/19, Centre culturel de Comines
•Le 21/01/20, Centre culturel de Huy
•Le 25/01/20, Centre culturel de Gembloux
•Le 28/01/20, Centre culturel de Dinant
•Le 1/02/20, Festival Paroles d’Homme (région de Liège)
•Du 4 au 5/02/20, Centre culturel Jacques Franck (1060 Bxl)
•Du 6 au 7/02/20, La Vénerie (1170 Bxl)