Qu’est-ce qui vous enthousiasme actuellement ?
Je développe un projet de sensibilisation à l’identité et l’appartenance pour les jeunes en grande difficulté. C’est un projet que je mène avec des gens merveilleux et de bonne volonté qui croient, comme moi, que notre responsabilité de citoyen s’inscrit aussi dans l’éducation et la sensibilisation.
Quelque chose à pointer du doigt dans votre métier ?
Nous manquons parfois d’esprit de solidarité, nous, les écrivains. L’écriture demande une solitude profonde et singulière ; aussi, nous prenons l’habitude de vivre les choses, bonnes ou mauvaises, sans y associer nos collègues. Je regrette l’époque où les auteurs refaisaient le monde dans une boîte de jazz ou dans un café d’un quartier d’artistes. On vit un autre temps et l’hyper-connexion nous déconnecte finalement des autres en chair et en os.
Un moment d’indignation : envers qui, envers quoi ?
Il fut une époque où la Belgique signa un accord avec l’Italie qui devait lui envoyer 50.000 travailleurs italiens : 2.000 par semaine et c’était aussi normal que nécessaire. Aujourd’hui, nous avons quelques centaines de migrants et nous sommes incapables de nous en occuper comme une nation moderne et civilisée devrait pouvoir le faire. Je sais que l’époque n’est pas la même et que les emplois se raréfient, mais ne pouvons-nous pas trouver des solutions humaines ? Un toit, de quoi manger, en attendant de trouver des solutions à long terme ? Je trouve ça lamentable !
Avec qui, avec quoi vous sentez-vous en lien ?
Je suis arrivée à une époque de ma vie où j’ai décidé d’être d’abord en lien avec moi-même. C’est très important. Les autres ou les événements trouveront, en venant vers moi, une personne qui les accepte et les apprécie tant que leur humanité et leurs valeurs sont en phase avec les miennes.
Qu’est-ce qui titille votre curiosité ?
La nouveauté, le monde, les gens… tout m’émerveille. J’adore bavarder avec un enfant pendant un long moment par exemple. On en apprend beaucoup plus dans la bouche d’un gosse de six ans que dans celle d’un adulte parfois. Les enfants voient le monde sous un autre prisme que le nôtre et de temps en temps, ce prisme est plus proche de l’authenticité, de la vérité.
Née en Belgique, Malika Madi a des origines algériennes. Son père a émigré en 1960 pour travailler dans les mines belges, avant d’être rejoint par sa famille. Très jeune, Malika Madi se découvre une passion pour l’écriture et la langue française. Son premier roman, Nuit d’encre pour Farah, paraît en 2000 et reçoit le Prix de la Première œuvre de la Communauté française de Belgique. En 2006, elle publie Les Silences de Médéa, roman en cours d’adaptation cinématographique. Deux autres titres suivent aux Éditions du Cygne : Chamsa, fille du soleil (2010) et Artistes (2011).
Ses réflexions sur l’immigration, les traditions, la transmission, mais aussi l’émancipation féminine, Malika Madi les décline également dans des essais. En 2008, elle cosigne avec Hassan Bousetta, Je ne suis pas raciste, mais… qui, comme son titre l’indique, traite du racisme et des préjugés. En 2017, elle publie Maternité et littérature. Création et procréation qui interroge les tiraillements générés par son double statut : celui de mère et celui d’écrivaine.
Depuis quelques années, Malika Madi écrit aussi pour le théâtre. Sucre, venin et fleur d’oranger (2013-2014) est un spectacle réalisé avec huit femmes qui fréquentent Dar Al Amal, une association de Molenbeek. Sa pièce Un homme libre sera jouée à l’Espace Magh en mars 2018. Parallèlement à son activité d’auteure, Malika Madi anime des ateliers d’écriture, participe à de nombreuses rencontres dans les écoles, donne des conférences. Le 25 avril 2018, dans le cadre du Festival éMOTions, elle parlera de son parcours d’écrivaine aux côtés d’une consœur, Geneviève Damas.