
Qu’est-ce qui vous enthousiasme actuellement ?
Le rover Persévérance qui va se poser sur Mars ce jeudi 18 février. S’il réussit son atterrissage, il pourra forer des roches à la surface de Mars qui seront ramenées sur Terre vers 2030. Outre les défis technologiques et la formidable aventure humaine entre tous ces groupes d’ingénieur·es et de chercheur·es, ce sera fascinant de pouvoir enfin regarder à l’échelle microscopique s’il y a des traces de vie sur Mars.

Quelque chose à pointer du doigt dans votre métier ?
La compétition malsaine des publications scientifiques. Aujourd’hui, la quantité l’emporte sur la qualité, mais c’est le manque de ressources financières pour la recherche qui crée ça. Le gâteau est petit et tout le monde se bat pour des miettes. Or les jurys ne regardent généralement que le nombre d’articles scientifiques, donc la dérive est facile. Les revues en profitent également et exploitent leur prestige dans cette course à la publication, pour pouvoir facturer des frais de publications disproportionnés. Il faut désormais chercher de l’argent pour faire de la recherche scientifique, mais en plus pour pouvoir la publier. Le sujet est en pleine ébullition, j’espère que les chercheur·es arriveront à enrayer cette spirale infernale.

Un moment d’indignation : envers qui, envers quoi ?
Les paroles de notre Premier ministre adressées aux jeunes lors de la conférence de presse du 22 janvier 2021. Cela ressemble à de l’empathie, mais c’était vide. Notre gouvernement n’entend pas la souffrance des jeunes (ni des moins jeunes !), et nous hypothéquons leur avenir. Je ne dis évidemment pas qu’il faut faire n’importe quoi, mais aujourd’hui, j’ai l’impression que le statu quo est devenu la règle, et nous regardons lentement nos jeunes sombrer. Je suis pourtant persuadée qu’il y a moyen d’être créatif, de pouvoir faire revenir les étudiants sur les campus avec des risques contrôlés. Pourquoi aussi peu d’écoute et autant d’immobilisme ? À quel moment la covid a supplanté tout ce qui fait de nous des êtres humains ?

Avec qui, avec quoi vous sentez-vous en lien ?
Je suis en lien avec les gens qui savent s’émerveiller, qui ne se prennent pas toujours au sérieux, qui sont capables de blaguer même quand on fait des mesures de haute précision au laboratoire. J’ai besoin de rire et sourire.

Qu’est-ce qui titille votre curiosité ?
Tout ce que je ne comprends pas ! Je ne prétends pas passer du temps sur tout évidemment, les journées sont déjà bien trop courtes. Mais j’aime cet état d’esprit ouvert, se poser des questions, se demander pourquoi ci ou ça. J’aime être curieuse, tout simplement.
Après une licence en sciences géologiques à l’UCL, Vinciane Debaille entreprend un doctorat dans le même domaine à l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand (France). Elle effectue son postdoctorat aux États-Unis, notamment au Centre spatial Lyndon B. Johnson de la NASA (l’agence spatiale américaine) situé à Houston. C’est là qu’elle entre en contact avec des échantillons extraterrestres, qu’elle découvre l’univers des météorites. De retour en Belgique, elle devient chercheuse qualifiée du FNRS à l’ULB et travaille sur ces roches en provenance de l’espace. Ses recherches dans le domaine la conduisent en Antarctique où elle participe à trois missions de collecte de météorites. Elle se rend aussi au Chili dans le désert d’Atacama pour les mêmes raisons. En 2014, à l’initiative de la Région de Bruxelles, Vinciane Debaille reçoit un des prix Atomia récompensant ses découvertes importantes « à propos de l’évolution des activités volcaniques sur Mars ». En 2018, elle est nommée maître de recherche FNRS au laboratoire G-TIMe de la Faculté des Sciences de l’ULB. En 2020, elle intègre l’équipe de 15 scientifiques sélectionné·es dans le cadre du projet Mars2020 de la Nasa. Sa mission consistera, avec l’équipe, à décider des échantillons de Mars qui reviendront sur Terre en 2030. Parallèlement à ses recherches, Vinciane Debaille enseigne la géologie à l’ULB. À travers son parcours inspirant, gageons qu’elle suscitera de nouvelles vocations, notamment auprès des filles !
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