
Qu’est-ce qui vous enthousiasme actuellement ?
Les livres, la littérature. Quand je tombe sur un roman qui me plaît, quand je me sens aspirée dans une histoire, il n’existe pas pour moi plus grand plaisir sur terre. La Chair de Rosa Montero m’a fait cet effet-là récemment : le roman raconte l’obsession amoureuse d’une femme vieillissante pour un jeune gigolo. Un livre acide, ironique et féministe.
Sinon l’art en général, et la poésie — volontaire ou involontaire — qu’on peut débusquer dans le quotidien. C’est grâce à ça que je me dis que la vie vaut parfois le coup d’être vécue.

Quelque chose à pointer du doigt dans votre métier ?
Jusqu’il y a peu, j’étais fière de répondre « journaliste » quand on me demandait ce que je faisais dans la vie. Aujourd’hui, ce mot, je le grommelle entre mes dents. Il m’arrive d’en avoir honte.
Je ne veux pas clouer mes confrères au pilori : ils sont les victimes du manque de moyens que l’on veut bien mettre dans la presse et qui pousse à faire toujours plus vite, toujours plus bâclé, toujours moins vérifié. Dans ces conditions-là, réfléchir à sa pratique est un luxe. C’est désespérant.

Un moment d’indignation : envers qui, envers quoi ?
Theo Franken et son “Yesss! Gewonnen!” sur Twitter, suite à sa « victoire » sur la famille de Syriens qui réclamait un visa. Il croit sans doute que la vie c’est une partie de Grand Theft Auto. Quelle inhumanité, quelle vulgarité.

Avec qui, avec quoi vous sentez-vous en lien ?
Avec les auteurs qui me stimulent : Virginie Despentes, Emmanuel Carrère, Riad Sattouf, Annie Ernaux… Ils me sont précieux, ils m’aident à vivre. Je ne dirais pas que j’ai trouvé mes pairs, ce serait beaucoup trop prétentieux et je ne me place pas sur le même plan qu’eux, mais en tout cas j’ai le sentiment de les comprendre. Et donc, peut-être, qu’ils me comprendraient si un jour (ce à quoi je n’aspire pas) nous nous rencontrions. Ils rétrécissent les dimensions de ce monde, qui devient grâce à eux plus hospitalier.
J’ai par ailleurs la chance d’avoir les mêmes amis depuis l’école secondaire et de voir notre attachement toujours aussi serré malgré les directions parfois opposées que nos vies ont prises. Nous nous sommes même donné un nom d’Ordre, comme si nous étions une société secrète.

Qu’est-ce qui titille votre curiosité ?
Des milliards de trucs. Trop d’ailleurs, je suis un peu hyperkinétique, ce qui m’empêche de creuser vraiment un domaine. Je suis spécialiste de tout, c’est-à-dire de rien.
Mais depuis quelques années, j’ai quand même une vraie marotte obsessionnelle : je lis beaucoup sur le féminisme, je trouve que c’est un sujet d’une richesse extraordinaire qui est bien loin de se circonscrire à la seule « défense des droits des femmes ».
Virginie Despentes a écrit dans King Kong Théorie que comprendre ce qui nous aliène dans la distinction des rôles et des places, « c’est comprendre les mécanismes de contrôle de toute une population. »
De fait, quand on s’intéresse un peu au féminisme, on ne peut que, par capillarité, s’interroger sur le racisme, l’homophobie et le mépris de classe.
Après des études en communication à l’Université catholique de Louvain, Myriam Leroy travaille à partir de 2005 comme journaliste indépendante pour la presse écrite, la radio et la télévision. En 2011, elle réalise le webdocumentaire Cuisine interne. Ce projet consacré à l’avortement est tourné dans le centre de planning familial liégeois Louise Michel. La journaliste publie ensuite à la Renaissance du livre deux ouvrages qui compilent certaines de ses chroniques décapantes : Les bobos. La révolution sans effort (2012) et Myriam Leroy n’aime pas (2013). En 2016, à la demande du Théâtre de la Toison d’Or, elle écrit Cherche l’amour, une pièce disséquant les rencontres amoureuses à l’heure d’internet. De 2015 à 2017, Myriam Leroy édite et anime l’émission culturelle Coupé au Montage en radio et en télévision. Actuellement, elle partage sur La Première ses coups de cœur culturels dans l’émission Entrez sans frapper. Elle écrit également pour l’hebdomadaire Le Vif/L’Express.
Myriam Leroy est sur Twitter.