
Qu’est-ce qui vous enthousiasme actuellement ?
L’engagement et le dynamisme des jeunes, leur mobilisation très politique pour défendre leur avenir et celui de la planète. À leur âge, je n’avais pas ce degré de conscience politique. Évidemment le contexte n’est pas le même, mais je suis impressionnée par leur courage et leur clarté d’esprit. Cela me porte dans mes actions et me conforte dans mes travaux de recherche et mes choix d’enseignement. Je suis également heureuse de voir que de nombreuses jeunes femmes portent ces mouvements de contestation. Je les trouve inspirantes et je les en remercie.

Quelque chose à pointer du doigt dans votre métier ?
Joker. Les chercheur·es (surtout en début de carrière, sans poste définitif) sont soumis·es à beaucoup de pressions, à différents niveaux et de différentes sortes. En tant que femme, un degré supplémentaire de pression s’ajoute à ce contexte très compétitif. Je préfère ne pas répondre plus en détail ici.

Un moment d’indignation : envers qui, envers quoi ?
Prétendre que l’écologie (cela inclut le climat, les océans, la biodiversité, les sols, etc.) est une idéologie.
Je collabore activement à l’UCLouvain pour que les données scientifiques en matière d’écologie, de climat, d’environnement, de biodiversité, etc., soient intégrées de façon transversale dans tous les cursus de l’université. L’importance de l’écologie devrait d’ailleurs être enseignée dès les classes maternelles. Malheureusement, on me répond parfois, pour justifier un refus d’adapter les enseignements, que l’écologie est une idéologie politique comme une autre. Mais c’est faux ! Contrairement au néolibéralisme, qui est une idéologie économique défendue par la droite au même titre que le marxisme ou le socialisme sont des idéologies défendues pas la gauche, l’écologie est une science, basée sur des observations scientifiques vérifiées, répétées, contrôlées.
Certes, les Verts se basent sur cette science pour défendre leur politique, mais cela n’enlève en rien la scientificité initiale de l’écologie en tant que telle (et non perçue comme simple propagande politique).
Prétendre qu’enseigner en appliquant une grille de lecture écologique c’est faire de la politique est un mensonge éhonté visant à semer le doute sur le caractère certain et vérifié des données scientifiques. Enseigner sans prendre en compte l’état de la science la plus récente est selon moi scandaleux. Malheureusement, la/le politique s’immisce partout (y compris dans l’enseignement universitaire) et anesthésie toute action de transformation, sous couvert de “liberté académique”.
Cela me choque, car nous avons une responsabilité immense vis-à-vis des jeunes, des enfants et des générations à venir. La moindre des choses, me semble-t-il, est de leur donner le maximum d’outils pour leur permettre de faire face à ces défis. D’autant plus que nous n’avons presque plus de temps pour limiter les dégâts déjà causés.

Avec qui, avec quoi vous sentez-vous en lien ?
C’est bête à dire mais : avec les gens et la nature. Être dans l’échange avec autrui, dans le respect de la diversité, des cultures, des écosystèmes. Je dépéris “hors-sol” et “hors-connexion”. J’ai besoin d’être en relation avec mon environnement et avec les éléments vivants qui en font partie, les humains y prenant évidemment une grande place… Ma créativité, mon énergie et ma joie naissent de l’interaction avec le vivant (humain et non-humain). Je suis à l’opposé de l’image du chercheur solitaire tapi dans son bureau !

Qu’est-ce qui titille votre curiosité ?
L’inconnu. J’ai toujours été très curieuse, de tout, et donc portée vers autrui et vers l’extérieur. Hormis les rencontres avec des gens d’autres cultures, j’assouvis beaucoup de cette curiosité par la lecture, l’une de mes activités favorites. C’est sans doute pour cela que je suis devenue chercheuse. Comme l’a dit mon aîné à l’âge de 5 ans quand je tentais de lui expliquer mon métier : “Maman, tu es détective des livres”, le plus beau métier selon moi !
Dr Christine Frison est chargée de recherche à l’Université d’Anvers et au Fonds de la Recherche Scientifique (FNRS) à l’UCLouvain. Elle est chargée de cours à l’ULB et à l’Université d’Anvers où elle enseigne le droit international de l’environnement et le développement durable. Christine est juriste en droit international de formation et s’est très tôt intéressée aux questions environnementales et agricoles. Elle a travaillé comme consultante pour des institutions nationales (SPF Environnement) et internationales (Nations Unies, Commission européenne).
Christine est petite-fille d’agriculteur et d’agricultrice. Elle passait ses étés à la ferme, dans les champs pour les moissons ou dans les étables pour traire les vaches. C’est probablement dans ce contexte qu’elle a développé une sensibilité particulière pour le monde agricole et paysan. Elle a habité la Mauritanie, l’Italie, puis la France et l’Angleterre où elle a effectué ses études. Elle est rentrée en Belgique à 23 ans et a entamé sa thèse de doctorat à 28 ans, tout en menant sa vie de famille : un difficile exercice d’équilibrisme…
Christine est autrice de nombreuses publications scientifiques dont plusieurs livres traitant des questions de droit et gouvernance de la biodiversité, des semences et de l’alimentation/agriculture, qu’elle étudie notamment sous l’angle des ressources partagées.
Christine fait également activement partie des associations SOS Faim et Fem&L.A.W. Elle promeut l’intégration transversale des données scientifiques sur l’état de santé de la planète dans l’enseignement supérieur, pour que la jeunesse soit formée à faire face aux enjeux environnementaux. Christine aime vulgariser ses recherches pour les rendre accessibles au grand public. Elle a remporté deux prix pour ses travaux (Ma Thèse en 180 Secondes UCLouvain 2015 ; HERA Doctoral Thesis Award 2019).